Les sardinières en peinture – partie 3

Si les peintres du XIXe siècle ont été nombreux à représenter les mutations industrielles ayant marqué la société de leur temps, peu d’entre eux se sont penché sur le travail industriel féminin le plus précaire et sous payé de l’époque à l’échelle nationale, celui des ouvrières de conserverie de poisson. Les artistes que nous présentons dans cette chronique hebdomadaire méritent de ce fait toute notre attention.

Après le tableau peint en 1879 par le danois Peder Kroyer et le tableau peint en 1896 par le français Alfred Guillou, le 3e tableau de notre chronique sur les sardinières en peinture est celui d’un autre artiste danois nettement moins connu : Hans Henningsen. Les sources en ligne à son sujet sont maigres, pour ne pas dire inexistantes. La galerie Divet Rennes détentrice de l’œuvre qui nous intéresse ici, nous livre quelques éléments sur la biographie de l’artiste.

Originaire de Copenhague, Hans Henningsen est issu d’une famille d’artistes. Son grand-père n’est autre que Frederik Vermehren (1823-1910), peintre de la génération des artistes nationalistes romantiques et professeur de l’Académie royale des beaux-arts du Danemark, connu pour ses peintures rurales et ses scènes de la vie quotidienne danoise. Ce dernier eut notamment pour élève le célèbre Peder Severin Kroyer dont le tableau « Sardinerie à Concarneau » (1879) est la première œuvre que nous avons présenté dans cette série d’articles sur les sardinières en peinture.

C’est aux côtés de son grand-père qu’Hans Henningsen s’initie à la peinture durant ses jeunes années. A l’âge de 17 ans, il s’inscrit aux cours de l’académie des beaux-arts de Copenhague, qu’il suivra de 1903 à 1908, sous la direction des peintres August Jerndorff et Viggo Johansen. Le travail d’Hans est fortement influencé par son second enseignant, Johansen, membre de la colonie artistique de Skagen, fréquentée également par Peder Kroyer.

Bien qu’H. Henningsen ne soit pas de la même génération que Peder Kroyer (1851-1909), ce dernier appartenant à la génération d’un autre artiste du même nom de famille mais au style artistique très différent : Frants Henningsen (1850-1908), leurs parcours professionnels respectifs présentent des similitudes. Ainsi, Hans se rend lui aussi à Paris à la suite de ses études. Il séjourne dans la capitale entre 1909 et 1910 mais y fréquente pour sa part l’Académie Jullian. Grâce à l’obtention de bourses académiques, il effectue ensuite un tour d’Europe, visitant l’Espagne, le Portugal, la Hollande et la Belgique, l’Autriche- Hongrie, la Suisse et la Finlande. Par la suite, presque chaque année, il séjourne en France où il aimait se rendre dans la cité portuaire de Concarneau.

Si Hans Henningsen n’a jamais pris part directement à la colonie de Skagen, l’influence qu’a exercé ce courant artistique sur l’artiste, et notamment son penchant pour l’impressionnisme français, transparait quelque peu dans son œuvre « Conserverie de poisson » peinte à Concarneau en 1910. Certes, Hans a nettement moins le souci du détail que d’autres artistes de Skagen, les visages des personnages étant peu détaillés et difficilement identifiables, mais l’artiste n’hésite pas à jouer sur les entrées de lumière présentes à l’intérieur de la conserverie en superposant les couleurs. Le spectateur distinguera moins facilement les différentes tenues traditionnelles et coiffes des personnages. En revanche, les paniers, bacs, couteaux et la table d’étêtage ne laissent pas de doute sur l’étape de transformation du poisson qui se joue dans cette scène. Par l’attention portée à la vie quotidienne des populations observées, Hans Henningsen s’inscrit dans la digne lignée de la peinture danoise et européenne de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.